Cette demeure, qui faisait auparavant office de presbytère, est un hôtel particulier datant du XVIIIème siècle : l’hôtel de Lafond Poidebard. Bien que d’origine plus ancienne, elle « semble avoir été entièrement remodelée sous le règne du roi Louis XV, et, de ce fait, elle en conserve les caractéristiques architecturales essentielles » (M.-J. Philibert, L’ancien Hôtel de Lafond-Poidebard, cf. bibliographie). Parmi les éléments les plus intéressants qu’elle abrite, il faut noter la présence de cheminées en marbre et de boiseries Louis XV. L’entrée qui donne accès à la réception est décorée d’une grille en fer forgé comportant les initiales jumelées des deux « L » de Louis de Lafond ». Signalons également, sur le côté (rue basse), la porte cochère cloutée du XVIIème siècle avec heurtoir articulé, donnant sur une petite cour. Dans la cour principale se trouve une fontaine à balancier de la même époque, certainement unique dans la Loire, dont la pompe à balancier a été classée monument historique. Ajoutons enfin la présence d’un ancien pressoir à vin monumental.
Cette demeure s’insère dans un des quartiers les plus anciens du village, que l’on peut qualifier de « faubourg », caractérisé par la présence d’hôtels particuliers (hôtel de Lafond, hôtel Maniquet) ainsi que de plusieurs maisons datant des XVIème et XVIIème siècles. Ces hôtels particuliers ont été les demeures des seigneurs de Saint-Paul, mais ont également appartenu à des familles ayant compté parmi leurs membres plusieurs des maires de notre commune : les Poidebard et les Granjon- Maniquet.
L’Hôtel de Lafond fait donc partie intégrante du patrimoine bâti du bourg et de la commune de Saint-Paul-en-Jarez, mais également de son histoire et de sa mémoire.
Cet hôtel particulier appartenait au dernier seigneur et… premier maire de Saint-Paul, Louis de Lafond (1717-1793), chevalier, conseiller du Roi, seigneur de Saint-Paul, La Barollière et Farnay, et baron de Juys dans les Dombes.
« En 1789, la seigneurie de Saint-Paul ne comprenait plus que le bourg et quelques terres éparpillées dans la paroisse, le reste dépendant du marquisat de Saint-Chamond, de la justice de Sennevas et de la baronnie de Pavezin appartenant à la chartreuse de Sainte-Croix. Cet émiettement de la seigneurie provenait du hasard et des successions. Néanmoins le dernier seigneur de Saint-Paul [Louis de Lafond] avait su à grand renfort d’argent agrandir son domaine et joindre à la seigneurie de Saint-Paul celle de la Barollière, le fief de la Revolanche et une grande partie de Farnay.» (Extrait de Société et Economie d’un village du Haut-Jarez : St-Paul-en-Jarez,1787-1797, Bruno Philibert).
Louis de Lafond descendait d’une famille de marchands. Son cousin et son neveu ont détenu la charge importante de procureur du roi au bureau des finances à Lyon. Un de ses ancêtres, Grégoire de Lafond, mort avant 1588, était déjà marchand et bourgeois de Saint-Paul-en-Jarez (le frère de celui-ci étant curé de Saint-Paul en 1580). Sa famille, enrichie dans le commerce de la soie, avait obtenu un titre de noblesse et pris pour armes « d’azur au puits d’argent ».
Le 31 mars 1788, dans l’après-midi, c’est l’ouverture solennelle de la première séance de la première assemblée à Saint-Paul-en-Jarez, en présence du Seigneur de Saint-Paul, L. de Lafond, ainsi que du curé (pour les affaires paroissiales), du syndic (pour les affaires civiles) et de représentants de la population. Le compte-rendu de cette séance figure dans notre premier registre de Délibérations, qui est un des plus beaux documents d’archives que nous ayons conservés.
Les premières assemblées municipales ont été mises en place suite à l’édit de juin 1787 créant des « municipalités » de village. La municipalité est composée du seigneur, du curé, du syndic et d’un nombre variant avec la population de gens élus par les propriétaires du village (conception influencée par les nouvelles idées des physiocrates sur la fonction sociale des propriétaires). La municipalité constitue une sorte de syndic renforcé qui permettait d’initier un plus grand nombre d’habitants au maniement des affaires du village (d’après L’Histoire du droit en France des origines à la Révolution, cf.bibliographie).
Dans la liste des maires de Saint-Paul-en-Jarez, Louis de Lafond est mentionné traditionnellement comme le « premier maire » de la première municipalité, avec le titre de « seigneur président » de la toute jeune assemblée municipale. Le compte-rendu de séance précise que cette première réunion a lieu « dans la salle du grand-père de monsieur de Lafond ». Il s’agit très probablement de cet hôtel particulier, qui servit également de salle des fêtes à la nouvelle municipalité. Plus tard, ce sera ici « que les Muscadins de Lyon, traversant Saint-Paul (ils y viendront deux fois) [feront] halte, avec leurs chevaux et leurs canons, pour y festoyer bruyamment. La municipalité, accusée d’avoir pris part à ce banquet, et d’avoir fraternisé avec les rebelles, sera immédiatement destituée par un arrêté de Javogues et poursuivie avec rigueur, malgré les protestations énergiques de ses membres » (M.–J. Philibert, article cité plus haut).
La famille de Louis de Lafond était également apparentée aux Poidebard, famille de mouliniers qui a beaucoup marqué l’histoire et le paysage de Saint-Paul-en-Jarez. Louis de Lafond, n’ayant pas eu d’enfant de son épouse Marie-Antoinette Favre de Varennes, l’hôtel de Lafond passera après la mort de cette dernière à la famille Poidebard. Ce sera le neveu de Louis de Lafond, Jean-Baptiste Poidebard, qui aura l’usufruit de son hôtel particulier, après la mort de son oncle, guillotiné à Lyon en 1793. Plusieurs membres de cette famille seront maires de Saint-Paul-en-Jarez : Joseph, très brièvement en 1789, Jean-Baptiste, en 1794, puis de 1795 à 1799 comme commissaire du Directoire.
Marie-Amélie Poidebard (1841-1915), née au château de la Bastie fut la dernière personne appartenant à cette famille qui habita l’hôtel de Lafond, où elle résidait occasionnellement. Troisième enfant de Joseph Poidebard (qui fit construire le nouveau Château de la Bastie, surplombant l’ancien), celle-ci était également la sœur de l’historien et généalogiste William Poidebard, dont les ouvrages font toujours référence. Sa vie, ainsi que celle de sa mère Anne-Marie Hervier de Romans (dont le portrait, – tableau original appartenant à l’association Patrimoine et Traditions de Saint-Paul-en-Jarez – est exposé dans la nouvelle mairie), fut marquée par une foi profonde et de nombreuses œuvres charitables. Suite à la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905, le clergé de Saint-Paul ayant dû abandonner, en 1909, le bâtiment du presbytère, confisqué par la commune (et qui deviendra la mairie que nous avons connue pendant exactement un siècle) , son engagement pousse Marie-Amélie à mettre la maison de sa famille à la disposition du curé. Le dernier propriétaire de cette demeure était toutefois son neveu, Robert Poidebard (1883-1962), fils de l’historien William Poidebard. Il consentira par la suite un bail de 18 ans à M. le curé Ferdinand Aubert. A l’échéance du bail, l’Hôtel de Lafond sera cédé à la société anonyme immobilière LYONNAIS-FOREZ, par Robert Poidebard aux termes d’un acte reçu par Maître Hugues d’Haubarède, notaire à Lyon, en date du 4 février 1929. Les curés qui se succéderont seront dès lors locataires du bâtiment. Durant la plus grande partie du XXème siècle, la vaste demeure de l’hôtel de Lafond fera donc office de presbytère ; on l’appellera plus familièrement la cure.
En décembre 1998, la commune de Saint-Paul-en-Jarez fait l’acquisition de l’hôtel de Lafond en vue d’y établir une nouvelle mairie, la précédente étant manifestement trop exiguë et inadaptée aux besoins de la commune. Cette acquisition a été réalisée sous la forme d’un accord avec le diocèse permettant l’échange de ce bâtiment contre le bâtiment de la mairie d’alors, destiné à servir de son côté à nouveau de presbytère (ce pourquoi il avait effectivement été construit à l’origine). Cet échange a été réalisé entre la commune de Saint-Paul et la société immobilière Lyonnais-Forez. Après des travaux de restauration, l’emménagement de la mairie dans ses nouveaux locaux a eu lieu en 2008.
Frédéric Farat
Trois châteaux se trouvent actuellement sur la commune de Saint-Paul-en-Jarez :
Du nom de la famille qui l’a construit en 1867 et qui s’est illustré tout particulièrement dans le moulinage. Aujourd’hui, il est la propriété de l’A.D.A.P.E.I (foyer résidence des personnes handicapées)
Construit à la même époque que le précédent par la famille Granjon-Maniquet/de la Motte-Rouge. Actuellement, c’est une propriété privée, classée monument historique.
Construit au 20ème siècle (1905) par une famille d’industriels, la famille Morel. Une fois restauré, il est devenu l’hôtel-restaurant L’Eclosion.
Il faut également mentionner le château de Villoutreys qui a été démoli au début des années 1980. Ce château, propriété de la famille Villoutreys de Brignac, datait de la fin du 19ème siècle. L’appellation de château de Saint Paul a parfois été utilisée pour le désigner, sans doute du fait de sa position à l’entrée du bourg.
Aucun de ces quatre châteaux n’existait donc avant la deuxième moitié du 19ème siècle. Auparavant, on ne peut guère mentionner que les deux « châteaux » suivants :
Au Moyen-Age, Saint-Paul-en-Jarez était un village fortifié. Toutefois, il n’y avait pas, au sens strict du terme, un château d’une part et d’autre part des maisons entourées de remparts. En fait, ce sont les maisons elles-mêmes qui faisaient rempart et le logis seigneurial était compris dans l’ensemble. On parlera de « bourg castral » plutôt que de château. Déjà devenu vétuste au 16ème siècle, l’ancien logis seigneurial n’est plus habité par les capitaines-châtelains au 17ème. La tour qui a survécu aujourd’hui, diminuée d’une partie de sa hauteur, servit à cette époque de prison. Aujourd’hui, cette tour héberge des commerces.
La famille Poidebard possédait déjà en contrebas de celui-ci, près de l’usine de moulinage, une demeure plus ancienne à propos de laquelle on peut employer le terme de « château » même si c’était un bâtiment plus sommaire et plus rustique.